La question revient, inlassablement, dans les discussions de fin de soirée, sur les plateaux télé et dans les commentaires sur internet. C’est le grand marronnier, le débat éternel qui peut briser des amitiés et enflammer des passions. Qui est le meilleur ? Le plus grand de tous les temps ? Le fameux GOAT (Greatest Of All Time). On pense tout de suite au foot, bien sûr. Mais ce besoin de classer, de couronner un roi, s’étend bien au-delà des pelouses vertes. Il contamine les arènes virtuelles de l’esport, les défis les plus tordus des jeux vidéo, et s’infiltre même… dans des endroits totalement inattendus. Aujourd’hui, on va explorer ce Panthéon des légendes. On va peser le pour et le contre, analyser les faits, et tenter de comprendre ce qui fait d’un champion, un mythe.
Pour faire court et répondre directement à la question que tout le monde se pose :
Selon la Fédération Internationale de l’Histoire et des Statistiques du Football (IFFHS), Lionel Messi est officiellement désigné comme le meilleur joueur de football de tous les temps.
Mais voilà, une réponse officielle ne clôt jamais vraiment un débat aussi passionné. C’est juste le début de la conversation.
Le Panthéon du Ballon Rond : Une Affaire de Couronne et de Cœur
Affirmer que Messi est le roi incontesté, c’est un peu comme déclarer qu’une seule saveur de glace est la meilleure. C’est un point de vue solide, argumenté, mais qui occulte la richesse des autres prétendants. Le football est un sport de chiffres, mais aussi d’émotions. Et chaque époque a eu son monarque.
Les Monarques du Passé et du Présent
Le débat du GOAT en football tourne principalement autour d’un carré d’as. Chacun avec une histoire, un style, et une aura qui lui est propre.
- Pelé : Le Roi originel. Le seul joueur à avoir remporté trois Coupes du Monde. Pour beaucoup, il est le point de départ de toute discussion. Ses plus de 1000 buts (même si certains ont été marqués dans des matchs non officiels, la légende reste) et son impact sur la popularisation mondiale du sport sont des arguments de poids. Il était la première superstar globale du football.
- Diego Maradona : Le Dieu argentin. Moins de statistiques, mais une aura mystique inégalée. Sa Coupe du Monde 1986, qu’il a remportée quasiment à lui seul, reste le plus grand accomplissement individuel de l’histoire du tournoi. Son génie était brut, instinctif, parfois autodestructeur, mais absolument magnétique. Il incarnait le football comme un art, un acte de rébellion.
- Cristiano Ronaldo : L’Athlète ultime. La machine à buts, le travailleur acharné qui a modelé son corps et son jeu pour atteindre une efficacité redoutable. Cinq Ballons d’Or, des records de buts à foison en Ligue des Champions et en sélections nationales. CR7, c’est la preuve que le talent ne suffit pas ; la discipline et la volonté peuvent vous emmener au sommet.
- Lionel Messi : Le Magicien. Celui que l’IFFHS a donc couronné. Son talent semble inné, presque surnaturel. Sa conduite de balle, sa vision du jeu, sa capacité à marquer et à faire marquer sont uniques. Avec huit Ballons d’Or et la Coupe du Monde 2022 enfin dans sa besace, il a complété la seule pièce qui manquait à son puzzle.
Pour y voir plus clair, un petit tableau comparatif des trophées majeurs s’impose.
Joueur | Coupes du Monde | Ballons d’Or | Ligue des Champions |
---|---|---|---|
Lionel Messi | 1 | 8 | 4 |
Cristiano Ronaldo | 0 | 5 | 5 |
Pelé | 3 | N/A (non éligible à l’époque) | 2 (Copa Libertadores) |
Diego Maradona | 1 | N/A (non éligible à l’époque) | 0 |
Et puis il y a les autres, les seigneurs qui méritent leur place dans la discussion. On pense à Johan Cruyff, l’architecte du football total, ou à Franz Beckenbauer, le Kaiser. Et bien sûr, notre Zizou national. La Dépêche mentionnait récemment une place « surprenante » pour Zinédine Zidane dans un de ces classements. C’est souvent le cas. Zidane n’a pas les statistiques affolantes des autres, mais son élégance, sa vision et sa capacité à briller dans les moments les plus importants (demandez à la finale de 98) lui confèrent un statut d’icône. Il n’est peut-être pas le GOAT statistique, mais il est sans doute l’un des joueurs les plus classes et les plus décisifs de l’histoire.
L’Instant Présent : Qui Est le Patron Aujourd’hui ?
Être le meilleur de tous les temps, c’est une affaire de postérité. Mais qui est le joueur le plus fort actuellement ? Cette question est encore plus volatile. La forme d’un joueur peut fluctuer d’une semaine à l’autre. Cependant, les récompenses individuelles comme le trophée « The Best – Joueur de la FIFA » nous donnent un bon indicateur.
Ces dernières années, la domination du duo Messi-Ronaldo a été contestée. On a vu des joueurs comme Robert Lewandowski remporter le titre en 2020 et 2021, récompensant une efficacité terrifiante devant le but avec le Bayern Munich. Puis, Messi est revenu en force, notamment après son sacre mondial.
La différence entre le « meilleur de l’histoire » et le « meilleur du moment » est fondamentale. Le premier juge une carrière entière, un héritage. Le second est un instantané de la performance, une photo du pic de forme d’un athlète. Un jeune prodige comme Kylian Mbappé ou Erling Haaland peut être considéré comme le plus fort sur une saison donnée, mais il leur faudra des années de constance au plus haut niveau pour espérer entrer dans le Panthéon des GOATs.
Au-delà du Physique : La Bataille des Pouces et des Pixels
Sortons des stades pour entrer dans des arènes où les réflexes se mesurent en millisecondes et où la stratégie se déploie à la vitesse de la lumière. Bienvenue dans le monde de l’esport. Ici aussi, la question du GOAT se pose avec une acuité redoutable. Et un nom revient sur toutes les lèvres : Faker.
Son nom est Sang-hyeok Lee. Mais le monde le connaît sous un autre nom : Faker.
À 27 ans, ce Sud-Coréen n’est pas juste un joueur de League of Legends. Il est une institution. Le messie de l’esport, comme le titrait Ouest-France. Pourquoi lui ?
- La Longévité : Le monde de l’esport est brutal. Les carrières sont courtes, la méta du jeu change constamment, et les jeunes prodiges aux réflexes plus aiguisés poussent les anciens vers la sortie. Faker, lui, est au sommet depuis plus d’une décennie. C’est une éternité à l’échelle de l’esport.
- Le Palmarès : Il a participé à six finales des Mondiaux de League of Legends et en a remporté quatre. C’est un record absolu. Il a tout gagné, plusieurs fois.
- L’Impact : Il a défini le rôle de « mid-laner » et a inspiré des générations de joueurs. Son nom est synonyme d’excellence et de domination. En Corée du Sud, il est une véritable superstar, adulé au même titre que les plus grands sportifs traditionnels.
Comparer Faker à Messi n’est pas si absurde. Les deux partagent cette aura de génie naturel, cette capacité à voir des choses que les autres ne voient pas et à exécuter des actions d’une complexité folle avec une facilité déconcertante. Ils sont les maîtres de leur « jeu ».
Le Mur Infranchissable : Face au Boss de Fin Ultime
On a parlé du meilleur joueur. Mais qu’en est-il du plus grand défi ? Dans les jeux vidéo, ce défi prend souvent la forme d’un « boss de fin ». Une créature ou un adversaire conçu pour pousser le joueur dans ses derniers retranchements. Et dans ce domaine, la difficulté peut atteindre des niveaux stratosphériques.
Oubliez les boss que vous avez peut-être affrontés dans des jeux grand public. Nous parlons ici de l’élite de la souffrance vidéoludique. Et le nom qui revient souvent dans les cercles de joueurs acharnés est le boss final de Mushihime-sama Futari.
C’est un jeu d’arcade du genre « shoot ’em up », plus spécifiquement un « bullet hell » (ou « danmaku » en japonais). Le nom dit tout : l’écran est littéralement rempli de centaines, voire de milliers de projectiles. Votre mission ? Naviguer votre minuscule vaisseau dans les quelques pixels d’espace libre.
Le combat final contre la Reine Larsa dans le mode « Ultra » de ce jeu est considéré par beaucoup comme l’un des plus grands défis de l’histoire du jeu vidéo. Il ne s’agit plus de stratégie, mais d’une pure épreuve de mémorisation de patterns, de réflexes surhumains et d’une concentration de tous les instants pendant plusieurs minutes qui semblent des heures. La moindre erreur est fatale.
Ce genre de défi illustre une autre facette de la « grandeur ». Il ne s’agit pas d’être le meilleur, mais de surmonter le plus dur. C’est la quête de l’Everest, la volonté de se mesurer à quelque chose qui semble impossible. C’est un dialogue direct entre le concepteur du jeu et le joueur, une épreuve de force mentale et de dextérité.
La Dureté à sa Source : Une Leçon Inattendue Tirée d’une Mine de Crayon
On parle de joueurs « durs » au mal, de boss « durs » à battre. Mais qu’est-ce que la dureté, au fond ? Pour comprendre ce concept, je vous propose un détour complètement inattendu. Loin des pixels et des pelouses. Allons voir du côté d’un objet que l’on connaît tous : le crayon à papier.
C’est une métaphore un peu folle, je vous l’accorde, mais suivez-moi. Vous avez probablement déjà vu les inscriptions sur un crayon : HB, 2B, H, etc. Ce n’est pas juste du jargon. C’est une échelle de dureté.
- Les mines « H » (Hard) : Elles contiennent plus d’argile et moins de graphite. Elles sont plus dures, laissent une marque plus claire et précise. Une mine 3H est excellente pour le dessin technique, pour tracer des lignes qui ne baveront pas.
- Les mines « B » (Black) : Elles sont plus riches en graphite, donc plus tendres. Elles déposent plus de matière sur le papier, créant des traits sombres, intenses, parfaits pour l’ombrage et le dessin artistique.
- La mine « HB » : C’est le juste milieu parfait. Assez dure pour une écriture nette, assez tendre pour être bien visible. C’est la mine standard, la plus polyvalente.
Alors, quel est le rapport ?
Cette échelle est une merveilleuse analogie pour analyser nos champions.
Cristiano Ronaldo, avec sa précision chirurgicale, sa discipline de fer et son jeu sans fioritures, ne serait-il pas une mine 3H ? Chaque mouvement est calculé, chaque frappe est une ligne nette tirée vers le but.
À l’inverse, Maradona ou Ronaldinho, tout en instinct, en courbes et en génie artistique imprévisible, seraient des mines 6B. Le trait est gras, plein d’âme, il laisse une marque indélébile et parfois un peu brouillonne sur l’histoire.
Et Messi ? Messi est peut-être le parfait HB. Il a la précision d’une mine dure quand il s’agit de finir une action, mais la douceur et la fluidité d’une mine tendre dans ses dribbles et ses passes. Il est l’équilibre parfait entre l’art et l’efficacité.
Quant à Faker, sa maîtrise de la méta, sa capacité à s’adapter et à exceller dans tous les aspects du jeu en font un HB ultime, le standard sur lequel tous les autres sont jugés.
Le Verdict : Une Mosaïque de Grandeurs
Alors, qui est le meilleur ? Après ce long voyage, la réponse est plus complexe qu’un seul nom sur un trophée. Il n’y a pas un seul GOAT, mais un Panthéon. Une mosaïque de talents, de styles et de défis.
Le « meilleur » dépend de vos critères. Est-ce le palmarès brut (Pelé) ? L’impact culturel et le génie pur (Maradona) ? La longévité et la discipline (Ronaldo) ? Le talent surnaturel validé par les chiffres (Messi) ? La domination dans un univers virtuel (Faker) ?
La vérité, c’est que le débat est plus intéressant que la réponse. Il nous force à définir ce que nous valorisons : l’art ou la science, l’instinct ou le travail, la domination ou la capacité à surmonter l’impossible.
Personnellement, je crois que chaque génération a besoin de ses propres héros pour se mesurer à eux et rêver. Le vrai GOAT, finalement, n’est peut-être pas une personne. C’est peut-être cette quête incessante de l’excellence qui nous pousse tous, dans nos propres jeux, à devenir un peu meilleurs chaque jour. Qu’on tienne un ballon, une souris ou un simple crayon.